Texte rédigé au lendemain de l’attentat de Nice (14 juillet 2016).
Voici notre pouvoir immédiat – aussi considérable qu’ignoré – pour contribuer à ce que des camions de colère, des rafales de rancœur et des bagages d’amertume n’explosent plus dans la foule innocente.
Il y a des enjeux « macro » notamment d’équité et de répartition des ressources, à traiter d’urgence pour permettre à chacun de vivre dignement, mais sur lesquels le simple citoyen n’a pas directement de pouvoir d’action. Et il y a des enjeux « micro » de façon d’être ensemble au quotidien, à traiter d’urgence également pour permettre à chacun de vivre dignement, et sur lesquels chaque citoyen dispose d’un pouvoir considérable s’il accepte de se mobiliser et de s‘engager, avec la même détermination et la même discipline qu’on l’a fait durant des siècles pour la guerre.
Nous ne transformerons rien collectivement à l’extérieur sans nous transformer personnellement à l’intérieur : la paix ça s’apprend comme la guerre, et ce n’est ni facile ni confortable.
Armons nous d’empathie pour créer là où nous sommes un climat d’estime, d’écoute et d’amour bien au delà de nos frileuses habitudes.
Devenons des bombes d’amour, ceins d’une ceinture de joie explosive.
Fortifions notre conscience-présence-attention et démantelons petit à petit le rempart de nos ego contractés.
Apprenons à veiller sur la plus haute tour de notre for intérieur tout en gardant contact avec la Source la plus intime. Et sachons de là pointer la division lorsqu’elle s’infiltre dans nos têtes.
Montons la garde tant de l’attention mutuelle que de l’introspection. Patrouillons dans nos zones d’ombre pour déloger nos peurs sous leur camouflage de certitudes, les inviter à la table et les apprivoiser.
Contrôlons nos habitudes de pensée comme de langage, nos croyances et préjugés, et vérifions leur passeport pour ne laisser pénétrer dans nos territoires intérieurs que ce qui porte le visa de l’amour, le visa qui traverse les frontières de l’altérité et rencontre les différences en disant :
« Je m’ouvre et me laisse ouvrir, j’écoute et regarde l’au-delà de l’immédiat, je rassemble et réconcilie les contraires, je côtoie les polarités, je dépasse la pensée binaire et la dualité, je cherche l’Un dans le divers ».
Traquons donc les pensées divisantes et culpabilisantes, tant sur nous même que sur les autres. Déminons le champs de mines de nos souffrances passées non dépassées : si la souffrance partagée et comprise éveille en créant du « nous », la souffrance qui est tue enferme dans un « Je, me, moi » replié sur soi et souvent avide ou vengeur.
Assumons pleinement notre responsabilité d’homme et de femme adulte et autonome : une fois la souffrance dite et traversée, avançons sans la faire payer aux autres.
Empoignons d’une main l’épée tranchante du discernement et de l’autre le lance-cœur du sourire et de la bienveillance.
Ejectons nous de l’avion déconnecté et en perdition de nos vieilles idées qui ont construit un vieux monde de rapports de force et de raréfaction, et comptons sur le parachute de l’intuition, du bon sens et de l’inépuisable créativité humaine pour reprendre pied sur la terre féconde dans l’abondance de la nature à partager.
Osons hisser le drapeau blanc de notre vulnérabilité, pour inviter chacun à sortir des tranchées et créer des liens profonds et vrais, dans l’authenticité et la tendresse.
Elevons nos antennes plus haut et affinons nos capteurs sensibles pour nous connecter à l’essence de l’Être en chacun, en chaque chose, et capter le Souffle.
Réanimons notre flamme à celles des poètes, des auteurs, musiciens, danseurs, chanteurs et artistes de tous temps qui ont chéri et chanté la Vie, la Vérité, la Beauté, malgré et à travers tout.
Devenons balises pour cette traversée chaotique entre les convulsions d’un monde qui s’en va et les signes annonciateurs d’un autre qui s’en vient.
Relisons les Sages de tous les âges dans toutes les Traditions, et rappelons nous qu’il n’y a qu’un seul message : Nous sommes là pour apprendre à devenir Amour.
Ce n’est que dans un tel humus à créer ensemble, ce qui prend du temps, des efforts et donc beaucoup de patience, que peut s’enraciner le monde de paix auquel chacun – le meurtrier aussi – aspire.
Thomas d’Ansembourg